Ministères : le défi de l'autorité

Poser le fait, à partir de la matrice d’Éphésiens 4, que Dieu donne des ministères particuliers pour l’équipement, pour le service, pour le déploiement du ministère de tous, et l’unité du tout, oblige effectivement à penser pour aujourd’hui le leadership et les rapports d’autorité entre le ministère de tous et de quelques-uns. Quant à la manière de décider en Église ; quant à la manière de mettre en œuvre le projet de l’Église. C’est un sujet qui revient dans plusieurs contributions des pôles : la question des rapports d’autorité entre ceux-ci et ceux-là.

Je parlais tout à l’heure de génération Y, Z et alpha. Vous avez avec moi remarqué que leur rapport à l’autorité, à la hiérarchie, aux institutions, etc., n’est pas tout à fait la même que celui des générations d’autrefois. C’est un secret pour personne (sortir HS du Point), la modernité tardive travaille à déconstruire les structures d’autorité et d’altérité, avec un motif de nivellement, d’horizontalité marqué dans les rapports sociaux et d’autorité. Et on ne peut pas juste le regretter, le rejeter ou nous y soumettre. Mais il nous faut réfléchir contextuellement, sérieusement à cette question. Écouter le juste soupir que portent ces nouvelles générations, dans l’Église, de co-responsabilité, de participation, d’implication. Tout en leur enseignant – saine démarche de discipulat et de contextualisation critique – que dans la pensée de Dieu pour l’Église, il y a place pour du relief, pour une distinction entre les rôles, entre les ministères que Dieu donne. Il y a place pour une autorité bonne. Et que Dieu le veut ainsi pour la croissance et la maturité de tous. Non pas pour que le ministère et l’autorité de l’Église soit concentré entre les mains de quelques-uns, mais que cette autorité bonne, que Dieu donne serve la maturité et l’autorité de tous. Visant à former des adultes en Christ.

J’aime rappelé l’étymologie du mot « autorité » : augere signifie augmenter. Avoir de l’autorité sur quelqu’un, c’est viser à l’augmenter, le faire grandir, viser la sienne d’autorité, sa maturité. Nous avons à penser nos ministères, et accompagner les nouvelles générations dans le ministère, et enseigner les Églises, et nos unions d’Église dans cette perspective d’une autorité pour. Non pas une autorité en concurrence entre le ministères de quelques-uns et ceux de tous, mais une autorité bonne, donnée par Dieu, de ceux-ci pour ceux-là. Pour adapter la penser de Dooyeweerd, entre l’idole de l’autoritarisme, vécu parfois dans les générations d’autrefois, et la contre idole du nivellement, de l’indifférenciation, du nivellement, de l’aplatissement que porte la modernité tardive – on coupe les têtes qui dépassent, parce qu’elles me menacent – il y a une place pour l’exercice de cette autorité bonne, en relief, visant la croissance, la vie, sa multiplication. Une autorité de type Éphésiens 4, en Christ. Pour une Église et une mission augmentée.

Hannah Arendt a cette formule que je trouve parlante, et je finis là-dessus : là où nous avons souvent cette idée, en France en particulier, avec une logique des contre-pouvoirs, souvent invoquée dans l’Église, le pouvoir, l’autorité devrait être contre, en compétition, en duel, en rivalité, en tension négative… Là où l’autorité dans cette logique compétitive correspond à un jeu à somme nulle, voire négative en situation conflictuelle, de défiance, de blocage, l’autorité dans une logique coopérative ne devrait pas avoir vocation à s’exercer contre d’autre, mais pour eux, pour que croisse leur contribution à la prise de décisions et à la vie d’un groupe. Qu’il en soit ainsi dans l’Église et pour le ministère dans les nouvelles générations. Nous le leur devons. Il y a là une réflexion à mener, chacun selon notre ecclésiologie propre.

Erwan CLOAREC, président du CNEF