24H des unions : le défi de la diversité des ministères

Maintenant, le 4e enjeu : la question de la diversité des ministères. C’est une question complexe, dans un sens, et elle est rendu encore plus complexe par les couches d’histoire qui nous éloignent de la Bible elle-même.

Aujourd’hui, dans les Églises évangéliques et même dans la société alentours, on comprend que « pasteur » = « ministre du culte protestant ». Seulement voilà, il semblerait que ce n’est pas le mot principal utilisé dans le Nouveau Testament pour parler des « ministères structurants » de l’Église (pour reprendre le vocabulaire d’Henri Blocher). Ceux-ci sont surtout appelés des episcopoi (surintendants) ou des presbuteroi (anciens). Mais aujourd’hui, notre pratique, avec laquelle nous sommes un peu coincés, c’est le mot « pasteur ». Et derrière ce mot « pasteur », parfois même au sein d’une même union, ou même au sein d’une même Église locale, on ne va pas avoir la même fiche de postes.

Pour certains, ce qu’on met derrière le mot « pasteur » est un poste traditionnel d’animation spirituelle officielle d’une Église. Leur fiche de poste inclut prédication de la Bible le dimanche matin, actes pastoraux et visites pastorales. Pour d’autres, le pasteur a une fiche de poste qui ressemble plus à celle d’un PDG d’une PME. Donc même avec un vocabulaire unifié, la diversité ministérielle existe. Elle est un fait !

Maintenant, la donnée se complexifie si l’on prend en compte le fait que la Bible, elle, donne des noms différents à des personnes qui ont une fonction de responsable dans une Église locale et même translocale. Toutes les contributions citent l’évangéliste, nommément. Mais quelle reconnaissance leur est donnée ? Ce n’est pas souvent clair. Le fait de ne pas toujours mettre de vrai nom sur des ministères qui ont pour spécificité de s’orienter vers une action qui est moins portée sur le soin spirituel des besoins du troupeau peut être un sujet de vraie souffrance pour certains dont le don est appelé à se déployer différemment d’un responsable local dans un moule pastoral traditionnel. Certains réussissent, par la force des choses, à vivre leur ministère quand même, peu importe le nom qui y est donné ; pour d’autres, les attentes qui viennent avec le titre « pasteur », en décalage avec la réalité de ce qu’ils ont à offrir au corps est une vraie difficulté.

Et ceci sans mentionner des ministères dont les modalités sont orientées vers des axes qui peuvent déranger le statut quo. Dans certains mouvements, des mots comme « apostolique » et « prophétique » sont apposés à ces responsables d’un autre type. Certains préfèrent, pour des raisons de théologie, ou d’autres par pudeur, donner des noms plus contemporains ou descriptifs à ces ministères. Une partie de ce qui serait entendu par des gens dans une bonne partie des unions au sein de mon pôle comme un ministre de type apostolique serait regroupé dans ce que d’autres appelleront un « pasteur-implanteur », comme le mentionnent le pôle des Églises évangéliques rattachées à la FPF, ou le réseau FEF ; ou ce qui se trouve souvent être le rôle des cadres de l’union de l’Église avec une fonction de rassemblement et de présidence.

Bref, nous avons tous une reconnaissance de la diversité des ministères, mais des façons différentes de la définir. Pour certains, la matrice d’Éphésiens 4.11 est normative ; pour d’autres elle n’est pas exhaustive ou parle de réalités d’un ordre différent, selon qu’elles sont perçues comme temporaires pour le 1er siècle ou comme universelles pour tous les âges au sein de cette période de l’histoire du salut.

Mais ces différence dans la façon d’en parler sont autant de manières de chercher à faire vivre cette diversité ministérielle inhérente à l’Église de Christ. Là où ceux qui sont à l’aise d’utiliser des termes comme « apostolique » ou « prophétique », avec une union comme RNC qui en est sans doute le fer de lance en France, on voit qu’il y a un souci de ne pas concentrer une sorte d’autorité autocratique chez ceux à qui on reconnaîtrait un leadership de ce type-là, en insistant qu’il y ait un authentique travail d’équipe avec ceux et celles qui portent une autre couleur. De l’autre côté, chez ceux qui insistent plutôt sur l’utilisation du terme « pasteur » pour désigner de façon générique un ministre du culte reconnu et nommé, il y a une acceptation de différentes colorations au sein de ces « pasteurs », comme le note le réseau FEF, en mentionnant par exemple les « pasteurs-bergers », « pasteurs-enseignants », « pasteurs-implanteurs ». Ainsi la place est laissée à la diversité aussi. Enfin, notons l’innovation de l’UNEPREF qui, si je le comprends bien, garde l’appellation « pasteur » pour ses ministres du culte au niveau de leur interface avec l’assemblée locale et les autorités de leur ville etc., mais qui, entre responsables de leur union, reconnaissent à l’un ou à l’autre, un titre ministériel plus proche d’une nomenclature de type Éphésiens 4.

La conclusion de tout cela est que nous avons l’opportunité de nous laisser interpeller les uns par les autres, et la Communauté d’Apprentissages sur les Ministères est une belle occasion d’écouter les expériences et le discernement de chacun, en voyant comment cette question difficile de la diversité ministérielle est vécue par tous.

Nathan LAMBERT, membre du bureau CNEF