Outils numériques : quelles précautions juridiques ?
A l'heure du confinement, beaucoup d'associations vivent une "conversion numérique" et multiplient les modes de communication virtuels. Mais attention, dans cette période d'état d'urgence sanitaire, le droit commun continue aussi de s'appliquer.
Ainsi, nous souhaitons vous rappeler ici quelques bonnes pratiques en matière de communication en ligne (site internet, newsletter, réseaux sociaux). Pour des questions plus précises, les Églises affiliées et œuvres membres peuvent consulter les ressources du site infojuridique.
1. Contenu en ligne et responsabilité juridique
Tout contenu publié implique la responsabilité pénale et civile de son auteur. Dans le cadre associatif, l'association peut être tenue responsable en tant que personne morale des contenus publiées en son nom et pour son compte. Le représentant légal de l'association est désigné par la loi et la jurisprudence comme directeur de la publication du site internet ou des outils de communication mis en place pour l'association (newsletter, page Facebook ou Instagram) même s'il n'en est pas l'auteur direct.
Il est donc primordial de s'assurer que les publications respectent la loi et les règlements.
Références : Loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN), Loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.
2. Risque en matière de propriété intellectuelle et industrielle
Le respect du droit d'auteur sur les oeuvres (photographies, vidéos, sons, écrits...) s'impose et est sanctionné pénalement et civilement. Pour toute diffusion d'une œuvre, il faut avoir préalablement obtenu une autorisation de l'auteur précisant en précisant la nature de l’œuvre, l'utilisation souhaitée par l’association de leur œuvre (quels droits cédés), la durée et le lieu d'utilisation, la gratuité ou non de la cession. A défaut, il s'agit d'un acte de contrefaçon.
➡ Utile : Recourir à des banques d'images payantes ou des contenus libres de droit ou à sa propre production s'avère être une bonne pratique.
Les œuvres peuvent néanmoins être utilisées sans autorisation de l'auteur, notamment, dans les cas suivants :
- d'une représentation privée et gratuite et exclusivement dans un cercle familial ( le cercle des membres d'une association n'est pas un cercle familial) ;
- parodie, pastiche ou caricature indiquant clairement le nom de l'auteur et la source ;
- analyses et courtes citations à caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d'information de l'œuvre à laquelle elles sont incorporées et indiquant clairement le nom de l'auteur et la source ;
- revues de presse indiquant clairement le nom de l'auteur et la source.
Références : Code de la propriété intellectuelle.
3.1 Risque en matière de vie privée : droit à l'image
De manière générale, pour respecter la vie privée des personnes (art. 9 du code civil) et ce qu'on appelle "le droit à l'image", il convient d'avoir obtenu une autorisation écrite avant toute diffusion de l'image d'une personne, de sa voix ou de son nom, en ligne. A défaut d'autorisation, il conviendra d'utiliser des photographies de foule, dans lesquelles les personnes sont non reconnaissables.
Une attention particulière est nécessaire lorsqu’il s’agit des mineurs, en raison de l'autorité parentale.
Dans le cadre d'un lieu de culte et d'activités religieuses, cette autorisation est d'autant plus nécessaire puisque l'appartenance religieuse, vraie ou supposée, est une donnée sensible dans le cadre de la protection des données personnelles. A l'autorisation d'utilisation d'image, il faudra joindre les mentions légales de collecte de données personnelles (voir ci-dessous).
➡ Utile : Un modèle d'autorisation d'utilisation de l'image d'une personne est disponible en pièce jointe ci-dessous.
3.2 Risque en matière de vie privée : RGPD
S'agissant de la protection des données personnelles, le respect du Règlement Général Européen de Protection des Données Personnelles et de la Loi Informatique et Libertés de 1978 s'imposent.
Pour l'envoi d'une newsletter à une liste d'adresses électroniques, il faut avoir recueillir le consentement de la personne concernée (possible en ligne). Il faut aussi porter une mention légale complète.
➡ Modèles de mentions diffusées par la CNIL.
En règle générale, la collecte et le traitement de données portant sur l’appartenance religieuse n’est pas recommandée car il s’agit d’une donnée sensible sur les personnes. Si votre association est une association cultuelle ou une œuvre chrétienne, elle devra traiter ce type de données nécessairement en raison de son objet social, s’agissant de ses ressources humaines et de ses membres.
En outre, il faudra respecter plusieurs précautions :
- Ne traiter que les informations indispensables ; sur la base légale du contrat pour les membres et les ressources humaines de l'association ; sur la base du consentement pour les tiers.
- Si vous traitez ces données sensibles à grande échelle : nommer un Délégué à la Protection des Données (DPO) et rédiger une Analyse d'Impact liée à la Protection des Données (AIPD), avant 2021.
La notion de "grande échelle" est précisé ici par la CNIL. D'après nos informations, le critère du périmètre d'action géographique (au national) devrait emporter la notion de collecte à grande échelle. Par exemple, une association cultuelle, par exemple une paroisse qui a une vocation locale, ne sera pas soumise à DPO et AIPD alors qu'une association qui agirait sur l'ensemble du territoire le serait.
De manière générale, la nomination d'un DPO est encouragée par le CNIL, même dans les cas où elle n'est pas obligatoire, afin qu'il y ait une personne responsable de ce sujet au sein de l'association.
Si vous collectez des données personnelles de mineurs, vos mentions d’information devront être tout à fait compréhensibles pour cette tranche d’âge.
La majorité numérique a été fixée à 15 ans en France, ce qui permet à un mineur de consentir seul à un traitement de données à partir de 15 ans. En deçà, c’est le détenteur de l’autorité parentale qui pourra consentir au traitement de données.
➡ Informations sur le site de la CNIL : "RGPD, de quoi parle-t-on ?" et "par où commencer ?"
4. Respect des règles liées aux financements des associations/ dons en ligne
Les associations cultuelles peuvent librement recourir aux dons en ligne. Les associations qui utilisent Internet pour faire appel à la générosité publique et qui dépassent le seuil de 153.000 € de dons doivent s'acquitter de l'obligation de déclaration préalable et de réaliser un Compte Emploi Ressources pouvant être mis à la disposition des donateurs sur leur demande. Et il en est de même pour les dons par SMS (Réponse à la question ministérielle n° 25636 du 7 avril 2009) et pour les opérations de crowdfunding. Le commissaire aux comptes, obligatoire dans ces cas, pourra donner tout conseil utile en la matière.
Référence : Loi n°91-772 du 7 août 1991 relative au contrôle des comptes des organismes faisant appel à la générosité publique.
5. Risques en matière de liberté d'expression
En France, c’est essentiellement la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881 qui pose les limites à la liberté d’expression et définit les délits d’expression, notamment :
- la provocation aux crimes et délits, notamment à la haine ou à la violence ou à la discrimination à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes en raison de leur sexe, de leur orientation ou identité sexuelle ou de leur handicap, en raison de leur origine ou de leur appartenance ou leur non appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée.
- la diffamation : toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personnes ou du corps auquel le fait est imputé.
- l’injure publique et l'injure non publique.
Il faut retenir que le choix des mots et des attitudes lorsque l’on s’exprime sur des sujets sensibles, qui peuvent heurter des groupes de personnes, est primordial. Le débat d'idées est possible mais sans invective. Ainsi faut-il aussi axer sa communication vers une compréhension théologique et non dans un jugement de valeur ou une attaque des personnes. En outre, plus le propos s’ancrera dans la théologie ou la foi chrétienne, plus il pourra être couvert par la liberté de religion.
La laïcité pose également des limites en portant des interdictions concernant certains types de propos ou de contenus pour les associations cultuelles et leurs ministres du culte (la loi du 9 décembre 1905, art.26, 34, 35, 36):
- Propos à teneur politique dans un lieu de culte
- Outrage ou de diffamation à l'encontre d’un citoyen en charge d’un service public
- Provocation directe à résister à l'exécution de la loi, à soulever ou à armer une partie des citoyens contre les autres
Avant toute diffusion publique, évaluez les risques juridique et médiatique !
➡ Utile : les livrets Libre de le dire à l'Église et Libre de le dire dans l'espace public (en vente ici).
6. Risque en matière de e-réputation
Pour finir, attention, tout ce qui est publié en ligne (texte, audio, vidéo) peut servir de preuve.
L'administration publique, tout comme les tiers, les membres de l'association, peuvent se servir des publications à titre de commencement de preuve par écrit ou de preuve selon les cas.
Il faut veiller à tout ce que l'on publie ainsi qu'à la gestion de sa réputation en ligne. En se lançant en ligne, on entre dans une nouvelle arène où le "Web bashing" ou le "bad buzz" peut, au delà des questions juridiques, ruiner une réputation personnelle ou d'association. Sachez donc élaborer une ligne de communication solide, des stratégies de communication de crise et vous doter d'une équipe de communication compétente et avisée.
Conclusion
Il peut sembler anodin de commencer à diffuser un moment de culte en ligne parce que la réunion physique de la communauté n'est actuellement pas possible. Les outils sont simples à utiliser et votre public est sûrement demandeur.
⚠ Attention cependant à respecter le droit commun. Veillez également à l'image que vous renvoyez, même si votre audience paraît limitée. Quelles sont les valeurs de l'Évangile que vous souhaitez rendre visible dans vos communications ?
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