Les enjeux pour la suite, dans une perspective biblique
Discours de Christian BLANC, président du CNEF, à l'assemblée plénière du 9 juin 2020.
Cette crise générée par le coronavirus a été qualifiée de planétaire, d’inédite, sans pareille… Elle est arrivée soudainement et a pris une ampleur médiatique inattendue, jamais vue. Si les gouvernements, les familles et les acteurs économiques ont été touchés, les Églises locales n’ont pas été épargnées non plus malgré quelques discours audacieux sur l’immunité des chrétiens.
Les Églises locales ont du faire face dans l’urgence au confinement et ses contraintes. La vie communautaire est devenue plus virtuelle que physique, les pasteurs se sont inquiétés à juste titre de la fidélité des croyants et les trésoriers se sont interrogés en regardant les bordereaux de la banque. Chez certaines communautés évangéliques s’est ajouté la maladie des membres et parfois la souffrance du deuil dans des conditions de grande solitude.
Cette crise a fait poser beaucoup de questions de telle sorte qu’on a souvent entendu qu’il n’était pas possible de reprendre la vie comme avant, qu’il y aurait nécessairement un « après » construit sur d’autres valeurs.
Sans sombrer dans le catastrophisme apocalyptique, cette pandémie planétaire ne peut pas, pour autant, nous laisser indifférents. Je me suis moi-même posé cette question sur mon lit d’hôpital : « Et après ? ». Pour les évangéliques que nous sommes, attachés à l’Écriture sainte, nous n’ignorons pas les avertissements qui ont été donnés à l’Église.
Cette crise pourrait bien être le prélude d’une période de tourments générés par les changements climatiques de notre planète dont les premiers effets sont sous nos yeux restés parfois indifférents : jamais, les scientifiques n’ont été aussi inquiets de l’état de la planète en général. L’inexorable progression des émissions de gaz à effet de serre ont entraîné avec elles toute une série de conséquences délétères pour le climat, pour l’environnement et pour la société : qu’il s’agisse de la hausse de la température de la planète, de l’élévation du niveau de la mer, de l’acidification des océans ou de la fonte des glaciers. 110 000 habitants des îles Kiribati sont en recherche d’une terre d’asile aux Fidji. Cinq des îles Salomon ont été englouties par la montée des eaux. Bien sûr, tout cela est à 24 h d’avion de chez nous mais les scientifiques annoncent qu’un million de français seront menacés par la montée des eaux…
La prise de recul, la réflexion et une posture faite de modestie et d’humilité s’imposent pour que le « jour d’après » diffère du « jour d’avant ». « Il serait toutefois dramatique que cette crise provoque une myopie de la pensée et de l’action… » a écrit le Président de la Fédération protestante de France dans un courrier adressé au Président de la République.
J’ose croire que ce temps difficile de confinement aura été aussi pour beaucoup l’occasion de s’interroger sur l’essentiel pour discerner les priorités du Royaume de Dieu.
C’est aussi pour nous l’occasion d’interroger le ciel en vue de comprendre l’époque que nous vivons et discerner les choix dans lesquels l’Eglise doit courageusement s’engager. Les crises n’ont-elles pas ce rôle pédagogique de nous porter à la réflexion afin que " le sage connaisse le moment opportun et les règles à suivre" selon ce que déclarait l’Ecclésiaste ?
J’attirerai notre attention sur cinq enjeux qui me paraissent importants :
1er enjeu : La formation biblique
Ma force durant mon hospitalisation due au Covid-19, je l’ai trouvée dans les Écritures et les versets que j’ai si souvent médités ou prêchés aux autres. L’assurance de la présence de Dieu promise dans la Bible et l’appel à une confiance tranquille m’ont permis de traverser ces moments.
Dans son discours sur la montagne, notre Maître a indiqué le secret qui permet à chacun de traverser les crises, de ne pas être emportés avec elles. Il s’agit d’un élément de construction qui ne se voit pas puisqu’il est enterré, mais il n’en demeure pas moins essentiel pour autant : il s’agit des fondations. La qualité des fondements fait la différence à l’heure des intempéries. Il y a là une vérité capitale à retenir et à mettre en œuvre plus que jamais attendu l’époque que nous vivons.
C’est pourquoi le CNEF a attiré l’attention sur la formation en mars dernier en organisant des assises et appelle de toutes ses forces les unions membres a travaillé très sérieusement sur la préparation des cadres et responsables en vue d’une prédication biblique.
2ème enjeu : Encourager une piété vivante
Si cette pandémie est pour nous l’occasion de réfléchir sur demain, elle nous alerte sur la traversée des crises à venir, nous incitant à prendre toutes les précautions appropriées pour éviter le pire.
Lorsque Jésus-Christ a parlé des temps eschatologiques, il a eu des mots qui m’ont toujours frappé : « Restez sur vos gardes (ou en éveil) et priez en tout temps afin d’avoir la force d’échapper à tous ces évènements qui arriveront et de vous présenter debout devant le Fils de l’homme » (Luc 21.36). Ces paroles laissent à penser que certaines périodes de l’histoire humaine à venir pourraient s’avérer très difficiles. La prière est soulignée comme ressource pour résister aux assauts antagonistes. Il y a quelque chose de très sérieux dans le propos de Jésus. Le Comité Représentatif du CNEF qui s’est tenu en septembre 2019 a insisté sur ce point de la prière, le bureau aussi.
3ème enjeu : La défense des libertés
En parlant de prière, j’en viens à un sujet préconisé par l’apôtre Paul : « prier pour que nous menions une vie paisible ». Il ne faut pas entendre ici le confort de l’Église mais que Dieu accorde les conditions de paix pour que le témoignage de l’Évangile puisse se répandre et la mission de l’Église s’accomplir sans obstacle.
Chose étonnante, la crise a ramené les cultes sur le devant de la scène leur attribuant une place incontournable. La liberté religieuse est apparue fondamentale au point d’amener le Conseil d’Etat à rétablir le droit. Les administrations et les médias se sont inquiétés de savoir comment la crise était gérée en interne par les cultes, quels étaient les effets du confinement, comment les cérémonies allaient pouvoir reprendre avec le souci de la protection des personnes.
Depuis le début de son existence le CNEF est resté attaché à la liberté de conscience, d’expression et de culte. Il l’a exprimé clairement lors d’une convention et de sa campagne « Libre de le dire ». Cette liberté si précieuse pourrait se voir menacée au motif de la sécurité publique, de l’urgence sanitaire au point que le Président de la Conférence des Évêques de France a cru bon de mettre en garde contre un État bienveillant mais envahissant en écrivant : « l'État bienveillant peut être autant envahissant et disciplinaire que l’Etat totalitaire » .
Insidieusement les nouvelles technologies permettent aujourd’hui de suivre et tracer les citoyens. Ces libertés fondamentales que l’on pourrait prendre pour acquises n’en demeurent pas moins pour autant un point de vigilance. Le Défenseur des Droits s’en est ouvert dans une interview : « Il faut arrêter ce mouvement d’indifférence ou de dédain à l’égard des libertés et des droits fondamentaux… c’est quelque chose qui relève de la politique, mais auquel nous pouvons prendre part » .
4ème enjeu : La révolution numérique
Le confinement de ces derniers mois a obligé les Églises à une révolution numérique, les rassemblements, les cultes et les cérémonies ne pouvant avoir lieu en « présentiel ». L’enquête, non exhaustive, menée auprès des Églises évangéliques a montré que 87% d’entre elles avaient commencé à utiliser de nouveaux outils numériques : plateformes téléphoniques, visioconférences, messageries de groupes, lettres de nouvelles, vidéos préenregistrées ou en direct, SMS groupés… (source)
Cette révolution présente néanmoins quelques limites puisqu’on emploie aujourd’hui le mot peu élégant « illectronisme », pour parler des personnes qui n’ont pas accès à internet. Plus de treize millions de français sont « mal à l’aise » avec internet selon une étude récente, soit 23 % de la population de plus de 18 ans. Les personnes âgées, les plus éloignées du numérique, représentent 66 % des personnes. 55 % des plus de 70 ans n’ont pas d’accès à internet chez eux. Un jeune de moins de 35 ans sur cinq serait également concerné. N'oublions pas que, face à ce défi numérique, l’Église se doit aussi de rester du côté des plus faibles, des plus isolés…
Si cette révolution digitale a permis de garder le lien entre les membres de l’Église dispersée, elle pourrait aussi en inciter plusieurs à développer une piété individualiste. Il a été constaté qu’elle en a aussi amené certains à voyager sur la toile à la recherche de tout ce que les différents cultes pouvaient offrir, à la recherche des plus attrayants. Si l’habitude est conservée, cela ne sera probablement pas sans conséquences sur les comportements des membres de nos Églises dans l’avenir et leur rapport aux institutions évangéliques. Une double face de la révolution technologique que les unions devront appréhender.
5ème enjeu : La solidarité
Cette crise nous a amené aussi à prendre conscience d’une humanité sociale et relationnelle alors que le jour « d’avant » nous emportait dans une mondialisation de l’indifférence où seule l’économie prévalait, nous entraînant vers une quête de l’individualisme, de la réalisation de soi et du confort de chacun.
Ce jour « d’avant », était un mauvais jour où « les exclus ne sont pas des exploités, mais des déchets, des « restes… » écrivait le Pape François dans son livre La joie de l’Évangile. Il suffit d’annoncer que les bourses européennes ont perdu deux points lors de leur dernière séance pour que la nouvelle occulte facilement le sort d’une personne âgée qui gémit dans la rue par grand froid ou celui d’une famille en quête de logement décent. « L’épidémie nous a fait toucher du doigt que chacun de nous était, par son comportement, responsable du sort de l’autre » a déclaré récemment le Président de la Conférence des Evêques de France.
Le CNEF solidarité a certainement devant lui plusieurs champs d’actions à travailler et un message de solidarité à faire entendre, car la précarité étend lentement ses tentacules dans notre société pour capter de nouvelles proies. Les valeurs chrétiennes que nous défendons ne peuvent rester au niveau des paroles et des discours mais elles doivent se traduire par des projets et des actes concrets incarnant ainsi la vérité qui résume toute la loi divine dans laquelle nous croyons : « tu aimeras ton prochain comme toi-même ».
Conclusion
En terminant, je donnerai la parole à Dietrich Bonhoeffer : « Vous êtes le sel de la terre… Ces personnes réprouvées par le monde que l’on persécute où que l'on fait mourir parce qu’elles ne sont pas dignes de vivre, sont déclarées comme le bien le plus précieux pour l’humanité... Elles sont la valeur la plus élevée que la terre possède. Il n’est pas dit « vous avez du sel », mais « vous êtes le sel ». Elles le sont, qu’elles le veuillent ou non, par la puissance de l’appel qui les a atteintes », j’ajouterais qu’elles le sont par la puissance qui les envoie et les accompagne où qu’ils soient.
Que la grâce de Dieu soit avec vous dans vos projets et vos actions.
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