Vision missionnelle : les questions à travailler
Vers une vision missionnelle pour les évangéliques de France : les questions à travailler.
Intervention à l'Assemblée plénière du 7 juin 2022
Philippe MONNERY, vice-président du CNEF, pôle réseau FEF
Il y a un an l’assemblée plénière a réaffirmé que « l’appel du CNEF est prioritairement de favoriser l’annonce et la pratique de l’Évangile de Jésus-Christ, partout et dans toutes les sphères de la société, notamment par l’implantation d’Églises ». Pour mettre en œuvre cette vision, le Comité représentatif a pu définir 4 axes d’actions qui relèvent du CNEF :
- Faciliter les relations entre les membres,
- Inspirer pour un élan missionnel,
- Animer une dynamique de prière,
- Mutualiser et valoriser des outils communs.
Cela nous permet de déjà mettre en œuvre un certain nombre d’actions. Mais en réfléchissant avec les membres du bureau, il nous semble que nous devons aller plus loin dans notre réflexion sur le but poursuivi. Collaborer ensemble, construire des outils communs nécessitent pour travailler sur la durée de développer une conversation missionnelle plus poussée entre nous.
À la manière des travaux du mouvement de Lausanne, nous gagnerions à développer une vision théologique commune de la mission qui favoriserait une mise en œuvre plus vaste sur la durée et permettrait à tous de travailler en synergie pour le progrès de l’Évangile. Un travail participatif nous permettrait d’aboutir à un texte d’ici un an avec une version intermédiaire dès cette fin d’année civile. Nous imaginons une première partie qui serait un développement théologique et une seconde partie sous forme d’appel à l’action avec des priorités missionnelles pour notre pays.
Voici quelques grandes questions et tensions que nous aimerions y voir aborder :
1 - En préambule : Être peuple de Dieu / être en mission pour Dieu
La réflexion missionnelle des dernières décennies a insisté sur le fait que l’Église est missionnaire par nature. Le témoignage n’est pas simplement une activité en plus, mais avant tout une question d’être.
Cette réflexion, nous stimule à ne pas simplement ajouter la mission à tout ce que nous faisons, mais à la placer au cœur de l’ensemble de nos activités et de ce que nous sommes en tant que peuple de Dieu. Certains cependant s’inquiètent d’une confusion qui pourrait être trop grande entre l’Église et la mission. Au risque d’un activisme qui oublierait la beauté d’une Église qui est d’abord pour Dieu, appelée à le glorifier en prenant plaisir en lui. Comme le note Henri Blocher : « Le piège est que, si “l’Église est la mission”, nous mettons l’accent sur la tâche que nous avons à accomplir. Nous oublions alors que c’est l’œuvre de Dieu en notre faveur qui compte premièrement. L’Église est le fruit de ce que nous n’avons pas fait, mais que Dieu a accompli en Jésus-Christ. Il faut donc considérer l’Église comme le résultat de l’œuvre de Dieu, c’est-à-dire son peuple racheté. Et dire ensuite que ce “résultat” de l’œuvre de Dieu, que nous sommes, reçoit de lui un mandat, un ordre ou une mission à accomplir. »
Loin d’opposer les deux modèles, il nous semble qu’il y a là une conversation à avoir pour associer tout en distinguant, l’être, le vivre et le faire. Être le peuple de Dieu et Être en mission pour Dieu.
2 - Évangélisation et formation des disciples
Une deuxième question à travailler porte sur la nature de la mission. L’ordre missionnaire en Matthieu 28 s’articule dans nos traductions autour de 4 verbes : Aller, Faites des disciples, Baptisez-les, Enseigner leur à obéir. Si la plupart de nos versions françaises rendent ces 4 verbes à l’impératif. Le texte original met l’accent sur l’impératif « Faites des disciples » comme expression centrale de l’ordre missionnaire. Autour de ce verbe, les participes allant, baptisant, enseignant, viennent préciser l’ordre.
Ainsi la mission ne se réduit pas un mouvement de l’Église vers le monde extérieur. Mais consiste plutôt en un double mouvement. Nous faisons des disciples : en allant à la rencontre du monde et en leur apprenant l’obéissance dans l’Église. Ce que nous appelons communément l’évangélisation et l’édification ou formation de disciples.
Ces deux mouvements ne sont pas isolés, mais s’entretiennent l’un et l’autre dans la réalité de faire des disciples.
3 - Proclamation / engagement socio-politique
Une troisième tension à considérer, est le lien entre la proclamation de l’Évangile et sa démonstration par notre présence au monde et notre engagement socio-politique.
Qu’est-ce que Jésus voulait dire quand il parlait d’aller dans le monde ? L’évangile de Jean met l’accent sur l’incarnation de Christ comme modèle de notre propre envoi dans le monde : « Comme le père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie. »
L’annonce de l’Évangile est au cœur de cet envoi. Cependant l’évangélisation ne peut bien se vivre qu’au travers du modèle de l’incarnation de Jésus-Christ. Un modèle d’enracinement géographique, social et culturel. L’incarnation de Christ nous rappelle que l’envoi dans le monde se vit dans la proximité, qu’il passe par la souffrance et le brisement et qu’il se traduit par la compassion.
Cette tension est d’autant plus à prendre en compte que nous vivons dans une société de plus en plus fracturée, ou le récit eschatologique du progrès s’estompe pour laisser place à des récits de crise et d’effondrement. Dans une société souffrante, démontrer l’Évangile par nos actes est d’autant plus nécessaire.
4 - Implantation / revitalisation
4ème sujet de tension qui doit être travaillé : l’articulation entre l’implantation et la revitalisation ou le développement des Églises.
Depuis sa création le CNEF a porté l’objectif d’une Église évangélique pour 10 000 habitants. Qui implique d’implanter 4000 Églises supplémentaires dans notre pays pour apporter le témoignage de l’évangile au plus près de chaque français par une saturation géographique et sociologique.
L’implantation de nouvelles Églises est un moteur essentiel pour poursuivre la mission de faire des disciples. Mais il est nécessaire de l’articuler en lien avec l’affermissement des Églises existantes.
De la même façon qu’évangélisation et formation de disciples se nourrissent mutuellement pour multiplier les disciples à l’échelle des personnes. L’affermissement des Églises établies et l’implantation de nouvelles Églises se nourrissent mutuellement à l’échelle des communautés.
L’approche de Paul dans le Nouveau Testament, montre que sa vision missionnaire s’inscrivait dans un continuum -> envoi, évangélisation, discipulat, implantation, édification. Il part d’Antioche (Actes 13.1-3), et de ville en ville évangélise, fait des disciples, implante l’Église par la mise en place de leaders locaux et travaille à l’affermissement des Églises établies. Il implante et édifie. Ces Églises établies envoient à leur tour des ouvriers (Ac 16.1-3) et le cycle se reproduit.
Plus tard, Paul fonctionnera en réseaux régionaux (Corinthe, Éphèse) permettant l’avancée de l’Évangile et l’implantation d’Églises dans des provinces entières. Là encore affermissement et implantation fonctionnent ensemble.
En écrivant aux Romains, il parlera à la fois d’avoir du fruit parmi eux pour les affermir (Ro 1) et de s’associer à eux pour poursuivre le mouvement apostolique en direction de l’Espagne (Ro15).
Plutôt que d’opposer nous devons réfléchir dans nos actions, à retrouver ce sens de la continuité et mieux coordonner la diversité des ministères pour que ces mouvements se nourrissent mutuellement.
5 - Mission auprès et au loin
Parler d’implantation et d’expansion nous amène à élargir la réflexion au-delà de notre nation. Nous devons réfléchir à la tension entre la mission auprès et la mission au loin.
Lorsque Jésus envoie ces disciples dans le monde pour faire des disciples il leur demande de viser toutes les ethnies. Le livre des actes insiste sur le témoignage de Jérusalem jusqu’aux extrémités de la terre.
Notre vision missionnelle devrait intégrer cette conscience missionnaire.
Si nous pouvons nous réjouir que le discours missionnel ramène la mission dans la réalité de chaque Église et de chaque chrétien dans son entourage. Nous devons être prudents à ce que cela ne se fasse pas au détriment de la vision missionnaire pour tous les peuples comme s’en inquiètent les responsables d’organisations missionnaires.
L’accent mis sur la multiplication de disciples et la multiplication d’Églises est réjouissant. Mais nous devons veiller à une seine tension avec la mission au-delà.
D’abord avec l’au-delà « de plus en plus proche » et les nombreuses cultures que Dieu dans sa souveraineté place à notre porte mais aussi à l’au-delà de nos frontières en continuant à prendre notre part dans des partenariats transculturels de notre époque ou la mission va de partout vers partout.
6 - Diversité ministérielle et rôle de chaque chrétien.
Je terminerai par une sixième question qu’il nous semble bon de relever. La tension entre le rôle individuel de chaque chrétien dans la mission et la diversité de ministères spécifiques donnés par le Seigneur de l’autre.
Il me semble que nous pouvons déduire de Matthieu 28 notamment, que chaque chrétien est appelé à prendre part à l’œuvre missionnaire dans un effort communautaire. Il est essentiel que notre formation de disciple inclût, la formation au témoignage personnel et le discipulat.
A ce titre la réflexion de plus en plus présente sur l’Église dispersée est capitale. Comment faire pour que nos Églises deviennent des centres de formation où chaque chrétien est équipé à être en mission du lundi au samedi ?
Mais nous devons toutefois être prudents à garder cette réalité en tension avec la réalité d’appels spécifiques. Comme le note Jacques Buchhold , les épîtres sont particulièrement silencieuses sur une proclamation de l’Évangile qui concernerait tous les chrétiens. Paul semble plutôt mettre en parallèle d’un côté l’appel de tous les chrétiens à vivre un témoignage incarné, de l’autre l’appel spécifique de certain à proclamer l’Évangile là où il n’est pas encore.
D’un côté des témoins équipés, pour être comme le dit Jésus dans la parabole de l’ivraie et du bon grain, la bonne semence que Dieu répond dans son champ. De l’autre des ministères spécifiques soutenus par l’Église en charge de faire avancer la mission tout en équipant le peuple de Dieu dans sa vocation missionnelle.
Parmi ces ministères, il nous faut retrouver une diversité de rôles et de profils qui nous permettent de vivre tout le processus de la mission, déjà mentionné précédemment.
Bernhard Ott, dans une précédente assemblée plénière, nous alertait sur le fait que la formation académique se concentre essentiellement sur des profils pastoraux, là où l’enjeu missionnel nécessite d’autres fonctions.
Si nous voulons vivre toutes les étapes du continuum missiologique vécu par l’apôtre Paul. Il nous faut réfléchir à former tout autant des ministères avec une dimension évangéliste, prophétique ou apostolique, qui permettront à nos Églises d’être plus efficace pour s’aligner sur le dessein de Dieu, pour porter l’Évangile où il n’est pas encore, pour donner naissance à de nouvelles communautés.
Pour aller plus loin
Voici des ressources récentes qui alimentent ou concrétisent cette réflexion :
- La plateforme de ressources pour les responsables jeunesse : ServiteurJeunesse.com
- Le nouveau site Disciples.fr
- Le rapport de la Commission évangélisation du CNEF : cliquez ici
- Une app pour animer une dynamique de prière : Prier ensemble
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