Engagés dans la société ! Discours AP du 11 juin

Discours de l’Assemblée plénière du CNEF, 11 juin 2024
Erwan CLOAREC, président du CNEF

Un contexte de crise

Alors que nous travaillons aujourd'hui sur le sujet de l’engagement des évangéliques dans la société, et de la question associée de la parole publique du CNEF, rattachant celle-ci à la dimension de force institutionnelle du CNEF, il serait difficile - voire malvenu - de passer sous silence les secousses politiques qui ébranlent notre pays, en lien avec les résultats des élections européennes et la décision de dissolution de l'Assemblée nationale. Elles révèlent des tensions lourdes qui parcourent notre société, des identités qui se crispent, d’une part et de l’autre. Nous l’anticipions en vue des échéances présidentielles de 2027 ; 2027 est arrivé plus tôt que prévu. Nous entrons dans une période qui promet d’être difficile pour la société, en France et ailleurs ; elle le sera assurément aussi dans nos Églises. Et il va falloir une pastorale adaptée non seulement pour que les clivages et les invectives qui travaillent la société ne s’importent pas dans nos communautés – c’est un risque réel –, et surtout pour aider l’Église à être, pour ce contexte particulier, ferment de paix, et témoin d’une espérance vivante. Refuser les peurs, les tentations du repli aussi bien que les promesses humaines de lendemain qui chantent, et manifester au monde qu’une autre société est possible. L’Église doit être le visage de cette société nouvelle que Christ forme au milieu d’elle. Nous sommes là face à une urgence pastorale et missionnelle.

Au-delà du contexte électoral immédiat, si nous prenons un peu de recul, l’année écoulée aura été marquée au fer rouge au niveau des réformes sociétales : la loi sur la constitutionalisation de l’IVG et le projet de loi sur la fin de vie sur lesquels le CNEF a réagi. Deux projets de loi, chargés symboliquement, qui marquent l’entrée de plain-pied dans une société désormais postchrétienne. Chantal DELSOL, philosophe catholique dont je vous recommande vivement la lecture, le dit ainsi dans son dernier ouvrage La fin de la chrétienté ; elle ne manque pas de verbe, écoutez plutôt :

• Seize siècles de Chrétienté s’achèvent. Le temps présent connaît une inversion normative et philosophique qui nous engage dans une ère nouvelle.
• La transition est brutale. Elle est difficile à accepter pour les défenseurs de l’âge qui s’efface.
• De même que le vieillard tend à colorer le monde de sa propre décrépitude et à le voir décadent, de même il est des chrétiens qui, aujourd’hui, se plaisent à contempler le déclin du monde dans leur propre déclin.
• Nous assistons en fait à une métamorphose. Le temps païen qui s’ouvre restaure les anciennes sagesses en même temps que les anciennes sauvageries. Le grand Pan est de retour.
• L’ère chrétienne qui s’achève avait vécu sur le mode de la domination. Le christianisme doit inventer un autre mode d’existence. Celui du simple témoin. De l’agent secret de Dieu.

Témoins d’une espérance vivante

C’est dans ce contexte là que Christ appelle notre génération, et celle qui vient, à être témoin de son Évangile ; témoin d’une espérance vivante. Et la bonne nouvelle, c’est que c’est dans ce contexte-là, il y a 2000 ans que le christianisme s’est répandu comme une trainée de poudre. C’est dans ce contexte-là que le monde a été gagné à Christ. C’est dans ce contexte-là qu’un réveil spirituel s’est répandu à l’échelle de la terre. C’est dans ce contexte là que Dieu a authentifié son message de salut en confirmant son Évangile par des signes et des prodiges. C’est pour ce monde-là : perdu, assoiffé, loin de lui que Christ est venu. C’est vers ce monde-là que l’Église est maintenant envoyée.

Avec plusieurs, je le crois, mais profondément, si nous sommes entrés de plain-pied dans une civilisation postchrétienne, nous entrons, avec, dans une période de pré-réveil. Ne nous lamentons pas, ne nous replions pas, ne nous divisons pas, ne déclinons pas ; l’heure est au contraire maintenant, plus que jamais, à la mission de Dieu. C’est la prière que nous formions à la fin de notre texte Ensemble en mission, et cette prière nous engage. Vous vous souvenez ? Je prends le temps d’en relire les dernières lignes :

• Prions que les chrétiens grandissent dans la connaissance de Dieu et soient remplis du Saint-Esprit afin de refléter le Christ dans ce qu’ils sont, disent et font. Prions pour que les Églises soient en bonne santé, unies et missionnelles. Prions pour que de nombreux hommes, femmes, enfants, jeunes et personnes âgées découvrent ainsi la gloire de Jésus-Christ et la bonté de notre Père, par l’action de l’Esprit, pour leur joie et la gloire du Dieu trinitaire.
• Prions pour qu’aujourd’hui encore l’Église s’édifie, marche dans la crainte du Seigneur et se multiplie par l’assistance, la consolation et l’encouragement du Saint-Esprit (Actes 9.31).
• Oui, nous prions ensemble : Père, remplis-nous de ton Saint-Esprit. Fais de nous des témoins fidèles, unis par l’amour de Jésus-Christ. Suscite un réveil dans ton Église et dans notre pays.
• Dans le nom du Seigneur Jésus-Christ, Amen !

En exil dans ce monde

C’est cette Église-là, pour ce contexte-là, que Dieu prépare. Nous voulons être cette Église-là. Témoins de l’amour de Dieu pour ce monde ; témoins en parole et en actes, partout, en Église rassemblée comme en Église dispersée, manifester qu’une autre vie est possible, qu’une autre société est en route, que Dieu est en marche alors que nous nous trouvons en exil dans un monde qui nous semble plus que jamais étranger (1 Pierre 2). Avant l'apôtre Pierre, le prophète Jérémie invitait le peuple de Dieu, en exil à Babylone, à ne pas céder aux fausses promesses ni à la peur ni au repli. Mais au contraire à manifester et à multiplier la vie.

• Construisez des maisons et habitez-les, plantez des jardins et mangez-en les fruits! Mariez-vous et ayez des fils et des filles, donnez des femmes en mariage à vos fils et des maris à vos filles, pour qu'elles mettent au monde des fils et des filles ! Augmentez en nombre là où vous êtes et ne diminuez pas! Recherchez le bien-être de la ville où je vous ai exilés et intercédez auprès de l'Eternel en sa faveur, parce que votre propre bien-être est lié au sien.

Comme au temps de Jérémie, Dieu prépare pour son peuple un avenir plein d’espérance et nous rappelle que l’expérience présente n’est pas la fin de tout. Mais que dans cette attente, pleine du soupir de son retour, Dieu appelle son peuple maintenant à poser ses valises et retrousser ses manches. Aimer, servir, contribuer, se multiplier. Plantez, construire, faire des enfants, être semence de vie. Sans s’assimiler pour autant à Babylone, certainement pas, mais grandir en tant que peuple et être une source de bénédiction pour la terre d’exil où Dieu nous a placés, parce que d’une certaine manière notre bien-être est lié au sien.

Porteurs d’une parole de vie

Dans les mois écoulés, le Comité représentatif a souhaité réfléchir à la manière d’être cette bénédiction dans le temps présent, en faisant un zoom sur l’article 4 de notre texte sur l’élan missionnel Une présence chrétienne dans le monde. Un texte, Ensemble engagé dans la société, dont vous avez normalement pris connaissance en vue de cette Assemblée plénière, et dont nous discuterons, stimulés par les apports de deux orateurs, et la table ronde qui s’en suivra. Je me réjouis tout particulièrement de pouvoir vivre cette séquence sur la parole publique du CNEF en présence, autour de la table ronde, en dialogue, d’un représentant du ministère de l’intérieur, Monsieur Vincent PLOQUIN. Nous voulons ainsi manifester que nous n’avons rien à cacher, mais tout à donner, et que nous voulons le faire, comme le souligne le texte, dans une approche humble de l’autre et de la société.

Des projets en cours

J’ai choisi délibérément, vous l’aurez remarqué, de prendre un peu de hauteur et d’élan dans ce rapport moral, plutôt que faire une rétrospective détaillée de nos activités de l’année. Nous avons égrainé notre journée d’information diverses sur les réalisations et les projets en cours, et avons choisi, pour la deuxième année consécutive, de vous mettre à disposition un Rapport d’activités 2023, rapport avec lequel vous pourrez repartir, et que vous pourrez partager autour de vous. Des actions du service juridique, communication, à ce qui se vit dans les territoires, par le SPP et par tous les comités et commissions à l’œuvre dans le CNEF ou par les actions des élus, notamment auprès des autorités. J’attire particulièrement votre attention sur l’évènement Célébrations 2025 dans les territoires. Vous connaissez la date par cœur maintenant : le 05 octobre 2025, on se mobilise pour célébrer partout celui qui rassemble ! Nous évoquerons aussi en fin de matinée un autre évènement national en gestation, La Place 2025.

Je vais m’arrêter là pour l’heure considérant que nous consacrerons un temps spécial avec Philippe MONNERY, vice-président en charge du volet missionnel au sein du bureau, pour faire un point d’avancée sur le déploiement de cet élan. Ce qui constituera la deuxième partie de ce rapport moral. Nous parlerons notamment de la mise en place d’un réseau de 7000 intercesseurs pour alimenter à l’échelle nationale une dynamique d’intercession pour notre pays. Nous l’avions défini comme une priorité ; ça avance. Nous parlerons aussi de la future Communauté d’apprentissage sur les ministères que les unions avaient appelée de leurs vœux et qui se mettra en place à l’automne 2025.