Guérir l'autorité au service de la liberté en Christ !
Intervention d'Erwan CLOAREC lors de l'Assemblée plénière du 4 décembre 2025 :
"Les abus : au-delà de la caricature, une réalité présente dans nos milieux
Le 7 octobre dernier, dans le sillon du fameux reportage de France 2 le reportage "Envoyé spécial" sur les évangéliques évoquant notamment la question des dérives sectaires et des abus associés, nous avions rédigé un communiqué : « Lutte contre les dérives sectaires » (à lire ici).
Si nous pouvons nous émouvoir des traits grossiers, des suspicions, des amalgames et autres effets de stigmatisation recherchés et produits par ce type de couverture médiatique, il n’en demeure pas moins que nos milieux évangéliques ne sont certainement pas épargnés par des abus de différentes sortes : abus d’autorité, exercices de pressions financières, phénomènes d’emprise, etc. Le dernier rapport de la Miviludes nous le rapporte douloureusement.
Stop abus (sexuels) : une première impulsion courageuse
Il y a quelques années de ça, sous l’impulsion courageuse du président Étienne Lhermenault, le CNEF a pris à bras le corps le sujet des abus sexuels dans nos Églises et nos œuvres, et ensemble nous avons mis en place le Service Stop abus, service d'accompagnement et de prévention, sur ce volet précis des abus sexuels dans l’Église. Un service qui, malheureusement, a connu un trop grand succès, et nous remercions Myriam Letzel, coordinatrice de ce service, qui se dévoue corps et âme, avec la commission et les équipes qui l’accompagne, à cet engagement dont nous sommes fiers.
Il n’est cependant pas suffisant.
Une réflexion à poursuivre sur le volet des abus d’autorité, au nom de l’Évangile
Avec le recul de trois années de fonctionnement de ce service, nous disposons maintenant de remontées importantes de terrain, et aucun de nos cinq pôles n’est épargné, qui révèlent des comportements d’abus d’autorité dans nos Églises et nos œuvres, liés à la commission d’abus sexuels ou non, qui sont une honte pour l’Évangile et un frein à son avancée. Nous nous souvenons de l’engagement que nous avons pris ensemble dans le texte « Ensemble en mission » en son article 5 « une vie en accord avec le message proclamé » :
Nous qui adorons un Dieu qui est le défenseur des plus faibles, nous voulons particulièrement lutter contre les abus, qu’ils soient sexuels, physiques, psychologiques ou autres. Ceux-ci sont d’autant plus inexcusables quand ils sont commis par des personnes qui exercent des responsabilités dans l’Église. Nous nous engageons à protéger la communauté chrétienne de tous ceux qui auraient des pratiques abusives.
Comment pouvons-nous avancer pour faire de cette résolution une réalité dans nos communautés ? C’est un désir profond du comité représentatif pour ce nouveau mandat qui s’ouvre. Nous souhaitons avancer intentionnellement, et le faire avec vous, pour nos Églises et nos œuvres, pour le témoignage et le progrès de l’Évangile dans notre pays. Cette journée est le début d’un travail commun de discernement pour savoir comment appréhender ce phénomène des abus d’autorité, et la manière de les traiter dans nos unions, nos Églises et nos œuvres.
Une boîte de Pandore ?…
Je vais vous faire une confidence. Les premières fois que cette question a été évoquée, de différentes manières, par différentes remontées, ma première réaction intérieure, et partagée à plusieurs, a été de dire : n’ouvrons pas la boîte de Pandore !
- Boîte de Pandore parce que nous n’en avons pas les moyens, concrètement, dans le dispositif du service Stop abus.
- Boîte de Pandore parce que nous composons dans le CNEF avec des modèles d’autorité et de leadership, des ecclésiologies, théologies des ministères qui ne sont franchement pas les mêmes.
- Boite de Pandore parce que dans une société malade de l’autorité, par son abus ou son absence, nous allons recevoir et devoir traiter un déferlement de plaintes de nos membres de nos Églises et de nos œuvres sur tel ou tel comportement jugé abusif, intrusif, injuste de la part des responsables de la communauté… Des plaintes parfois justes, parfois moins… Nous connaissons la passion française pour taper sur ceux qui exercent l’autorité et couper les têtes qui dépassent n’est pas une vue de l’esprit. Une autorité verticale que l’on requiert – la figure monarchique reproduite dans la figure présidentielle de la cinquième, pour mieux lui couper la tête au nom d’une autorité horizontale que l’on exige.
Alors au milieu de toutes ces plaintes qui pourraient affluer, comment trier, discerner, orienter ? Ce qui est sûr, c’est que parmi ces remontées, de réels abus particuliers ou systémiques, proprement insupportables, existent. Et ils n’ont pas leur place dans l’Église de Jésus-Christ ! Nous devons les regarder en face et ne pas y rester sourds au motif que notre société, et nos Églises et œuvres avec, seraient malades de l’autorité et que la nôtre pourrait être menacée.
Alors qui doit le faire, et comment le faire ? Si ce n’est pas nécessairement au CNEF et à un service dédié de tout faire, nous croyons que c’est au niveau du CNEF que nous devons penser à la manière d’aider les acteurs ecclésiaux que nous sommes, unions d’Églises, œuvres, Églises locales, ministères à comprendre, structurer et agir, de manière préventive et curative, pour faire de nos Églises des lieux où ensemble nous travaillons à guérir l’autorité. Où ensemble nous travaillons à faire de nos Églises des lieux de restauration de la liberté et de l’autorité bonne que nous pouvons connaître en Christ. Et montrer au monde ce visage de la nouvelle humanité que Dieu forme au milieu de nous en Jésus-Christ. Une nouvelle humanité où Dieu nous permet d’apprendre à vivre une liberté en relation, la soumission mutuelle, la capacité à vivre volontairement dans une réalité de corps où l’autre n’est plus ni menace à MA liberté ni un objet à manipuler, mais un frère une sœur à aimer dans une réalité de corps ordonnée, servie par les structures d’autorité bonne que Dieu permet. Nous gardons à l’esprit en particulier ce texte d’Éphésiens 4 qui nous parle de cette réalité de ces ministères de la Parole, d’autorité, d’articulation dont Christ dote son corps pour « que le corps tout entier, bien coordonné et solidement uni grâce aux articulations dont il est muni, tire sa croissance en fonction de l'activité qui convient à chacune de ses parties et s'édifie lui-même dans l'amour. »
… Ouvrons-là, pour libérer la parole !
Pour cet objectif que l’Évangile assigne, je pense donc juste et sage d’oser ouvrir cette boîte de Pandore. Et je crois pertinent précisément de le faire ensemble, au niveau du CNEF, pour comprendre ce que l’Évangile nous demande ensemble, croiser nos cultures et nos accents parfois différents sur ce sujet de l’autorité, conscients que nous sommes appelés à témoigner de l’Évangile ensemble dans un contexte culturel commun : celui de la modernité tardive, et plus particulièrement, je l’ai évoqué tout à l’heure, celui de la France du 21ème siècle, et son rapport parfois bien difficile à l’autorité. Alexandre Antoine nous en parlera dans un instant.
Première étage de la fusée : une démarche de réflexion interdisciplinaire
À ce stade nous ne savons pas répondre aux questions de qui devrait recevoir, orienter, prévenir, traiter les plaintes des victimes d’abus d’autorité, de dérives sectaires, d’emprises dans nos communautés et nos œuvres. Le sujet est ouvert et il s’ouvre aujourd’hui. Ce que nous savons c’est que nous voulons vous l’adresser, et amener le premier étage de la fusée : celui de la constitution d’un groupe de travail interdisciplinaire, au niveau du CNEF, constitué de théologiens, praticiens, et d’apports de spécialistes : sociologue, psychologue, juriste, pour appréhender ensemble le phénomène de l’autorité : l’autorité bonne ; l’autorité dévoyée. Pour caractériser d’une manière fidèle à l’Évangile et contextuellement pertinente ce que nous pouvons ensemble qualifier d’abus d’autorité. À partir de là, nous pourrons réfléchir à la manière de les traiter. Et c’est avec vous que nous y réfléchirons. À votre service. Au service de l’Évangile que nous recevons ensemble et que nous voulons partager ensemble."
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Pour voir le replay de cet intervention, cliquer ici.
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Apport socio-historique, Alexandre ANTOINE, pasteur des Assemblées de Dieu et professeur d’histoire à la FLTE : "Comprendre les sources de l'autorité religieuse pour mieux la guérir"
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